Nunally's world - Alex's story

La journée se déroula assez rapidement : nous enchainâmes les différents cours sans plus reparler de l'incident du matin. Histoire, physique et anglais se succédèrent petit à petit, les professeurs essayant de nous inculquer ce que nous devions connaître pour le Bac. Assis au fond de la salle, juste à côté de la fenêtre, je regardais souvent le paysage extérieur. J'essayais de m'imaginer ce que cela pouvait faire d'être ainsi libre et sans aucune entrave. Car j'avais toujours eu l'impression d'être enfermé dans ces vieux bâtiments gris.

- Nous reverrons donc demain la compréhension orale que vous venez de faire, et j'aimerais que – pour une fois – vous essayez de rédiger en français ce que vous avez compris de cet enregistrement.

Miss Smith, notre professeur d'anglais. Très banal comme nom, mais il lui allait plutôt bien. Elle était petite, en comparaison de la moyenne de taille de notre classe, et portait des lunettes rondes : un mélange de rouge et de noir visiblement. Nous venions d'écouter un reportage sur les conditions de vies à Vancouver suite aux différents commerces de drogues qui y sévissaient. Notre but était donc d'en donner un résumé le plus clair possible afin de nous entrainer pour le jour J.

- Alex, tu manges avec nous ce midi ? Me demanda alors Tim, un des garçons de ma classe.

Nous étions un groupe de 5 garçons à bien nous entendre dans cette classe, et je les aimais bien. Tous avaient leurs propres caractères, qui venaient s'ajouter au mien, mais cela équilibrait notre petit groupe. Parmi eux, il y avait un ami de John, mais il agissait bien différemment en sa présence qu'avec nous. Je savais qu'il avait peur de lui, car ils se connaissaient depuis des années. Simplement, il n'approuvait pas ses méthodes pour se faire respecter.

- Désolé les gars, mais je dois donner les répliques à Célestine cet après-midi, et je la vois mal répéter seule, répondis-je en me levant, sac sur l'épaule.

Célestine restait l'amie la plus chère que je pouvais avoir, certainement du au fait que nous connaissions aussi depuis des années. Je compris aux regards des autres que j'allais encore me faire railler, mais je savais que ce n'était pas méchant. Et puis, discuter avec elle me permettait de me vider l'esprit, car elle me comprenait parfaitement quand j'allais mal.

- Un jour, faudra vraiment que tu me dises pourquoi vous ne sortez pas ensemble, me lança Tim en me donnant une tape sur l'épaule.

Levant les yeux ciels, je fis semblant de râler avant de les laisser. A cette heure-là, nous pouvions soit avoir de la place très rapidement, soit patienter durant une demi-heure dehors. Et avec le temps qu'il faisait, la deuxième option ne me tentait pas trop. D'après mes souvenirs, Célestine avait cours dans le même bâtiment que moi, mais un étage plus haut. Me faisant mentalement un plan du chemin à suivre, j'entrepris de la rejoindre en adoptant une démarche mi-tranquille mi-pressée. Et oui, je pouvais faire ça.

- Alors, tu penses que c'est pour aujourd'hui ? Demanda une fille dans un couloir.

Une autre marchait à ses côtés, et semblait fort excitée. Je ne comprendrais jamais pourquoi les filles perdaient leur temps à discuter d'amour, de mode ou de stars. Personnellement, je trouve ça d'un ennui profond, mais j'imagine que c'est dans leur nature.

- Oui, il paraît qu'elle va se décider à lui faire une déclaration, répondit son amie. J'espère qu'il va lui répondre favorablement, elle l'aime depuis trop de temps pour échouer si près du but !

Bingo, premier sujet à être présenté : la déclaration. Une certaine effervescence régnait dans le lycée en ce moment, puisque les vacances de Noël approchaient et avec elle la fête tant attendue. Et c'est bien connu, les filles ne rêvent que d'une chose : passer le réveillon avec leur copain et s'entendre dire que l'on était parfaite pou lui. Quand aux garçons en couple, ils étaient davantage à se demander ce qu'ils recevraient en cadeau, sans même chercher à en trouver un pour leur copine. Tout cela m'ennuyait, car c'était beaucoup d'agitation pour pas grand chose.

- Au revoir Mr Pitouk, lança soudain Célestine en sortant de sa salle de cours.

Je l'observais un instant, avant de me rapprocher d'elle. Tout le monde semblait croire que nous étions en couple, alors que nous étions tout simplement en très bon terme. Et puis, quand bien même une telle relation ne me laisserait pas indifférent, le cœur de Célestine était déjà pris depuis bien longtemps pour que je puisse m'y engouffrer. Cela ne me dérangeait pas, j'avais appris à être patient depuis quelques temps. Je ne voulais pas briser notre amitié pour une broutille pareille.

- J'espère que tu n'oublies pas que je passe cette heure avec toi pour que tu sois au top niveau tout à l'heure, remarquais-je en me plaçant à sa hauteur.

Cette dernière sourit, avant de secouer négativement la tête. Cela m'aurait vexé qu'elle ait oublié, d'autant plus que ce texte est important pour elle. Elle fit un signe de la main à quelques unes de ses camarades de classe avant de me désigner, et j'en vis certaines rire doucement.

- Ne t'en fais pas, je sais bien que tu prends de ton temps pour m'aider, me lança t-elle alors. On y va ?

Je hochais la tête, avant de l'entrainer en direction du self, descendant les escaliers du bâtiment d'un pas léger. Dehors, l'air frais était contrebalancé par la chaleur du soleil qui était à présent de retour. Mes soucis oubliés pour l'instant, je commençais à me dire que cette journée pourrait peut-être devenir meilleure que prévu.

- Alors, quelle réplique voudrais-tu travailler ? Lui demandais-je en m'adossant contre le mur.

Il y avait quelques personnes devant nous, nous en avions donc pour quelques minutes. Je préférais donc voir avec Célestine ce qu'elle voulait revoir en premier tant que nous avions un peu de temps devant nous. A sa mine, je vis qu'elle n'avait pas d'idées précise, et je patientais donc. Peu importe la scène ou l'acte, mon travail n'était pas le plus important.

- Et bien, puisque tu en parles... commença t-elle alors. J'aimerais retravailler la scène finale, où Sophie voit Léon se faire fusiller.

Cette scène là ? J'avoue que je ne m'y attendais pas vraiment, surtout qu'il y en avait des plus compliquées. Perplexe, je fouillais dans ma mémoire pour me souvenir de ce que je devais dire, quand une chose me frappa. Une chose à laquelle je n'avais jamais fait attention, même après l'avoir relu des dizaines de fois. Alors, pourquoi maintenant ? Je fus soudain pris de doute quand à la signification de ces événements.

- Ca ne te plait pas ? Me demanda t-elle, embarrassée.

Etait-ce un test de sa part ? Je ne la pensais pas capable de me demander une chose aussi tordue, mais pourquoi cette scène en particulier ? Ce n'est pas que je ne l'aimais pas, mais elle m'était bien trop familière pour que je puisse la jouer sereinement. Pensif, j'avançais dans la file, avant de prendre un plateau.

- Ce n'est pas ça, répondis-je alors. C'est juste que...Rien d'important.

Non, je n'allais pas lui demander si elle avait choisit cette partie en pensant à lui, ça ne se faisait pas. Elle avait bien trop souffert de sa disparition pour que je cherche à savoir ce qu'elle avait sur le cœur en cet instant. Et pour être honnête, je ne le voulais tout simplement pas. Je m'étais fait une raison, autant oublier.

- Juste après manger, on fonce dans l'amphithéâtre, ce sera parfait pour le son, lui lançais-je avec un sourire.

Le reste du déjeuner se passa sans autre événement marquant, et nous finîmes rapidement ce que nous avions prévu. Nous avions chacun deux heures pour manger, suite à l'absence de notre professeur de latin commun. Un vrai bonheur, surtout que la journée était en soi bien remplie. Prenant donc notre temps, nous nous étions rendus dans le seul amphithéâtre du lycée afin de répéter. Très peu de cours y étaient donnés, aussi était-il tout le temps vide.

- Après vous, ma chère, riais-je en la laissant passer devant.

Célestine entra avec une certaine appréhension, sûrement anxieuse à l'idée de devoir bientôt jouer le rôle principal de la pièce. Je posais mon sac dans un coin, allumant les lumières de la pièce avant de la balayer du regard. Nous étions en pleine journée, mais c'était une pièce close, ce qui nous contraignait à utiliser les lumières dès que nous y venions. Pas très économique, surtout que l'on ose nous dire que le lycée manque d'argent. Mais c'était ainsi, nous n'y pouvions rien.

- Jouer le rôle d'un agonisant, tu m'auras vraiment tout fait faire, remarquais-je en m'allongeant sur le sol.

Je préférais oublier le double sens évident de ma phrase, privilégiant ma posture qui devait me faire passer pour un homme blessé en plein cœur et en train de se vider de son sang. Rien de plus facile, non ? Célestine s'avança lentement, cherchant ses repères sur l'estrade. C'était plus petit que la vraie scène, alors elle devait tenir compte des différents objets qui y seraient le jour J.

- Tu n'as pas besoin de texte ? S'étonna t-elle en s'asseyant par terre.

J'avais finit par enregistré les moindres répliques au fur et à mesure que les répétitions avançaient, et je pensais être au moins à son niveau sur cette partie. Je secouais la tête, regardant les lampes accrochées au plafond.

- A force de vous voir répéter, j'ai finit par tout connaître, répondis-je. Maintenant, je ne peux pas te promettre de faire une prestation magnifique.

Une lueur de tristesse passa dans nos yeux, et je détournais légèrement le regard. Je devais arrêter de faire des liens entre chacune de mes paroles et l'accident, ce n'était pas une bonne chose. Ce qui était arrivé était passé, je devais me concentrer sur l'avenir. Après tout, je le lui avais promis.

- Tu es là, c'est l'important, répondit-elle dans un murmure avant de commencer à réciter.

Nous restâmes l'heure entière dans l'amphithéâtre, moi l'écoutant déclamer et elle jouant la jeune fille blessée dans son cœur. Plus le temps avançait et plus je me sentais triste, pris par le jeu auquel nous jouions. Je ne pouvais imaginer de meilleure interprétation de ce texte que celle qu'elle me donnait, et je restais silencieux. A la fin, nous restâmes tous les deux sans rien dire, plongés dans nos pensées respectives.

- Dis...crois-tu qu'il serait heureux de voir sa pièce menée si loin ? Souffla soudain Célestine en me regardant.

Je ne répondis pas immédiatement, ne sachant trop quoi dire. S'il serait heureux ? Comment pourrais-je le savoir ? Autrefois, j'étais capable de comprendre ce qu'il pensait, et c'est pour cela que j'en avais souffert. Mais à présent qu'il n'était plus...

- Honnêtement, je ne sais pas, répondis-je alors. Certainement, puisqu'il y a consacré beaucoup de temps. Mais je pense aussi qu'il aurait préféré pouvoir la finir.

Célestine se redressa avant de se mettre debout, balayant la salle du regard. Je restais encore assis un moment, me demandant si elle allait ajouter quelque chose.

- Cette salle m'a permis de m'imprégner de l'émotion de cette pièce, remarqua t-elle alors. Je pense que je pourrais la jouer sans trop de difficultés.

Elle sembla avoir retrouvé un peu de cet enthousiasme qui faisait, selon moi, toute sa force dans les moments difficiles. Oui, la représentation de cet après-midi ne serait qu'une formalité, aucun doute là-dessus. Je me relevais à mon tour, m'appuyant sur mes mains sans pour autant m'empêcher de grimacer. Le sol de l'estrade n'était pas bon pour le dos, je m'en rendais compte à présent.

- Je suis sûr que tout se passera bien, lui lançais-je alors avec un sourire rassurant.

Ma remarque sembla la détendre, et elle sourit à son tour. Si elle souhaitait vraiment devenir l'actrice qu'elle méritait d'être, il faudrait qu'elle arrive à surmonter les difficultés de ce texte. Soudain, elle se troubla, jetant des regards hésitants autour d'elle. Aurait-elle oublier quelque chose ?

- Qu'est-ce qu'il y a ? lui demandais-je avec curiosité.

Elle ne répondit pas immédiatement, mordillant sa lèvre inférieure comme lorsqu'elle était inquiète. Perplexe, je ne renouvelais pas ma demande : mieux valait que ce soit elle qui se décide à me parler plutôt que je ne la force. Je préférais donc attraper mon sac avant de m'adosser au mur, cherchant la salle dans laquelle j'allais avoir cours.

- Il faudrait que je te parle d'une chose, commença soudain Célestine d'une voix hésitante. C'est compliqué, mais mes amies m'ont dit que je devais te le dire rapidement. En fait, je crois que...

DRING ! La sonnerie retentit alors, et je n'eus pas le temps d'en entendre plus. Quand à Célestine, elle semblait alors encore plus gênée qu'auparavant, passant du blanc ou rouge en un instant. Je crois bien que l'on peut dire qu'elle a piqué un fard, non ? Lui tendant la main, je la regardais dans les yeux.

- Je ne suis pas sûr que ton prof accepte que tu sois en retard à cause de moi, lui lançais-je alors. Tu pourras toujours me le dire sur le chemin du retour, non ?

Mes paroles étaient sincères, mais je crois bien qu'elle ne les pris pas comme elle aurait du. Elle détourna le regard avant d'attraper son sac, tremblant discrètement. Elle me dépassa sans même m'accorder un regard ni prendre ma main, visiblement contrariée. Qu'avais-je donc fait ? Surpris, je la suivis du regard avant de me lancer à sa poursuite.

- J'ai dit quelque chose de mal ? L'interrogeais-je en arrivant à sa hauteur.

Tous les élèves du self qui y étaient encore en sortirent précipitamment, nous bousculant légèrement au passage. Eux aussi devaient avoir des professeurs stricts, pour être si pressés de retourner en cours. Pour ma part, je n'étais pas dans cet état d'esprit, me lamentant déjà sur les trois heures de mathématiques qui allaient se succéder.

- Non, oublies, ce n'est rien, répondit Célestine avant d'accélérer le pas.

Perdu, je préférais la laisser partir : je ne comptais pas me disputer avec elle à cause d'un sujet aussi idiot. C'est donc en soupirant que je finis par rejoindre ma classe, me promettant de m'excuser dès que je la reverrais.


Une mauvaise nouvelle nous parvint peu avant la fin des cours : suite à un problème dans les locaux du théâtre, la répétition de ce soir était annulée. Cela voulait dire que Célestine avait révisé pour rien tout à l'heure, et que nous ne pourrions sûrement pas jouer avant un petit moment, car il n'était fermé qu'en cas de gros problèmes. Dépité, je n'étais pas vraiment d'humeur à accompagner mes amis jusqu'à l'endroit où l'on se séparait d'habitude. En effet, je ne rentrais pas directement, puisqu'ils habitaient dans un coin à l'opposé de chez moi.

- Restes avec elle, elle doit être très déçue elle aussi, me lança Tim alors que nous sortions. De toute façon, avec cet exercice de maths à faire pour demain, on va pas vraiment avoir le temps de traîner dehors.

C'était vrai, le professeur avait visiblement décidé de nous gâcher la soirée. Un exercice type bac ramassé et noté alors que nous étions à peine en décembre ! Je savais que le Bac serait là rapidement, mais il y avait tout de même des limites.

- Bon courage, leur lançais-je avec un petit signe de la main, avant de disparaître.

D'un pas lent, toujours aussi dépité, je me dirigeais donc vers la sortie du bâtiment, puis vers celle du lycée. A quelle heure pouvait bien passer le bus ? Je n'avais pas l'habitude de le prendre à cette heure-ci, aussi ne savais-je absolument pas combien de temps j'allais devoir attendre. Heureusement, j'avais réussit à trouver suffisamment pour rentrer, mais ça ne me plaisait pas. Pourquoi les gestes que j'avais tant l'habitude de faire avant me semblaient-ils étranges aujourd'hui ?

- Manquerait plus que je doive rentrer à pied, marmonnais-je pour moi-même.

Coup de chance ou non, je ne suis pas atteint de la malédiction du « manquerait plus que quelque chose de pire m'arrive ». Le bus finit par arriver, mais je ne trouvais aucune trace de Célestine. Peut-être avait-elle eu quelque chose à faire après les cours, en ayant oublié de m'en parler ? Mais oui, c'était sans doute ça dont elle voulait me parler tout à l'heure !

- Non mais quel idiot ! Pestais-je alors. Alex, mon ami, tu as vraiment réussit à rendre cette journée merveilleuse.

Plongé dans des pensées aussi noires que tout ce que j'avais fait aujourd'hui, je finis par songer que tout était bien plus simple avant. Quand je n'étais pas encore celui que tout le monde observait avec des regards discrets et des chuchotements, quand nos parents étaient encore ensemble, quand même Célestine était heureuse. Oui, si je le pouvais, je ferais tout pour revenir en arrière, pour tout effacer. Tout ?

- Mais cette époque-là n'est plus, murmurais-je alors en regardant l'extérieur. Je dois apprendre à vivre avec ma culpabilité à présent.

Je soupirais pour la troisième fois depuis que j'étais monté dans le bus, quand une idée me vint. Depuis combien de temps n'y étais-je pas allé ? Plusieurs jours, mais combien ? Maman n'y allait plus depuis longtemps, comme si elle avait oublié ce qu'il s'était passé. Pourtant, c'était impossible non ?

- C'est peut-être là-bas que je trouverais Célestine, admis-je en me redressant.

Je finis donc par appuyer sur le bouton d'arrêt et patientait nerveusement sur mon siège. Etait-ce vraiment une bonne idée ? J'étais allé bien trop loin pour reculer maintenant. Le bus finit par s'arrêter dans un crissement, et je descendis dans le froid. Devant moi se trouvait une large grille de fer noir, légèrement entrebâillée. Il y avait donc bien quelqu'un à l'intérieur. Regardant prudemment autour de moi, j'entrais avec lenteur, sentant autour de moi la gravité de ce lieu. Plusieurs allées serpentaient en lignes plus ou moins droites, la plupart envahies par une végétation peu appréciées des jardiniers.

- A croire que les morts doivent s'occuper eux-mêmes de leur jardin, grognais-je alors en avançant.

Je savais parfaitement quelle allée prendre, puisque je venais ici au moins une fois par semaine. Cela faisait parti des autres promesses que je lui avais faites, et je comptais bien la tenir, plus que les autres. Plusieurs pierres grises, en marbre ou autre, semblaient me dévisager avec un regard accusateur. J'avais le droit d'être ici, même si j'aurais du être à sa place. Mais je n'avais pas choisit de me tenir là, entre ces tombes sous lesquelles se tenaient des inconnus. Au bout d'une ou deux minutes, je parvins là où je voulais aller depuis le départ. J'avais oublié de prendre des fleurs, c'était idiot de ma part.

- J'espère que tu me pardonneras, mais ça m'a pris sur un coup de tête, lançais-je en déposant mon sac.

Célestine n'était pas là, et je ne voyais aucun indice pouvant indiquer qu'elle y était déjà venue. Même la pierre était un peu sale, puisque je ne l'avais pas nettoyé depuis ma dernière visite. Sur celle-ci, je lus l'inscription notée en feuille d'or, essayant de ne pas trembler.


Et oui, déjà un an qu'il était mort, fauché par une voiture. Un an que j'essayais de rester fort pour lui qui ne pouvait l'être. Un an que j'essayais de mener la pièce qu'il n'avait pas eu le temps de terminer à terme. Et un an que je vivais en coupable, ne supportant pas que l'on me rappelle les événements qui l'avait conduit dans ce cimetière.

- Dis Nat'... Tu sais ce que je ressens, non ? Soufflais-je alors. Tu crois qu'un jour, je pourrais me pardonner ?

Un bruit soudain me fit sursauter, et je me retournais d'un bond. Me dévisageant avec la même surprise, mais avec une tristesse encore plus visible, se tenait Célestine, un bouquet de fleur à la main. Des tulipes rouges, symboles de l'amour éternel, celui qui ne disparaît jamais. Je l'avais toujours su, mais cela faisait toujours aussi mal. L'instant de surprise passé, elle cligna plusieurs fois des yeux.

- Je ne pensais pas que nous aurions la même idée, Alex, finit-elle par remarquer.